L’Ancien Testament et le génocide à Gaza

Par Gilad Atzmon, le 5 juin 2009

Traduction : Marcel Charbonnier


« Vous pourchasserez vos ennemis, et ils tomberont sous votre glaive, devant vous. Cinq des vôtres en pourchasseront cent des leurs, et cent des vôtres en mettront dix mille en déroute ; vos ennemis tomberont sous votre glaive, à vos pieds » [Lévitique, § 26, versets 7-9].

« Quand le Seigneur votre Dieu vous amènera dans le pays où vous pénétrerez afin d’en prendre possession et qu’il chassera devant vous de nombreuses nations… alors, vous devrez les détruire, jusqu’au dernier. Ne concluez pas de traité avec eux, et n’ayez aucune pitié ! » [Deutéronome 7:1-2].

« … ne laissez en vie rien de ce qui respire. Détruisez-les jusqu’au dernier… comme le Seigneur votre Dieu vous l’a ordonné… » [Deutéronome 20:16].


Il ne subsiste guère de doute, chez les spécialistes de la Bible, que la Bible hébraïque contient des suggestions antimorales hautement explosives, dont certaines ne sont rien d’autre que des incitations au génocide. Le spécialiste des études bibliques Raymund Schwager a recensé, dans l’Ancien Testament, quelque six-cents passages de violence explicite, et mille versets décrivant les châtiments infligés par Dieu lui-même, ainsi que cent passages dans lesquels Dieu ordonne expressément à des hommes de massacrer d’autres hommes. Apparemment, la violence est l’activité la plus fréquemment citée, dans la Bible juive.

Aussi dévastateur que cela soit, la saturation de la Bible juive par la violence et l’extermination d’autrui est de nature à projeter quelque lumière sur le génocide horrifiant perpétré en ce moment même à Gaza par l’Etat juif. En plein midi, l’armée israélienne recourt aux méthodes les plus meurtrières contre des civils, comme si son objectif principal était de « détruire » les Gazaouis tout en ne faisant preuve d’aucune sorte de pitié que ce soit.

Très paradoxalement, Israël se considère un Etat laïc. Ehud Barak n’est pas vraiment un rabbin certifié, et Tzipi Livni n’a rien d’une épouse de rabbin non plus. Par conséquent, nous sommes fondés à supposer que ce n’est pas le judaïsme en tant que tel qui transforme directement les hommes et femmes politiques, ainsi que les chefs militaires israéliens en criminels de guerre. Ajoutons à cela le fait que les premiers sionistes pensaient que, dans un foyer national, les juifs deviendraient « un peuple comme tous les autres », c’est-à-dire des gens civilisés, et ayant une morale. Précisément, à cet égard, la réalité israélienne est très singulière. Les juifs laïcs hébraïques ont peut-être réussi à laisser tomber leur Dieu, la plupart d’entre eux ne respectant pas les lois juives, ils ont beau être très largement laïcs, cela ne les empêche nullement d’interpréter collectivement leur identité juive sous la forme d’une mission génocidaire. Ils ont déjà à leur actif le fait d’avoir transformé la Bible, de texte spirituel qu’elle était, en registre cadastral imbibé de sang. Ils sont là-bas, en Sion, comprendre en Palestine, afin d’envahir les terres et de les confisquer, ainsi que d’affamer et de détruire la population indigène de ce pays. En conséquence de quoi, il semble bien que les commandants de l’artillerie et les pilotes de l’armée de l’air israélienne qui ont réduit en cendres tout le nord de la bande de Gaza, voici deux jours de cela, ne faisaient que suivre Deutéronome 20:16, puisqu’aussi bien ils « n’ont laissé en vie rien de ce qui respire ». Et pourtant, une question reste pendante : Pourquoi un commandant laïc met-il en application les versets du Deutéronome, ou de tout autre texte biblique, d’ailleurs ?

Certaines voix extrêmement rares et sporadiques, à l’intérieure de la gauche juive, insistent à nous dire que la judaïté n’est pas intrinsèquement meurtrière. J’ai tendance à les croire, et à croire qu’ils considèrent eux-mêmes leurs propos sincères et véridiques. Mais alors, l’on est fondé à s’étonner : qu’est-ce qui fait de l’Etat juif un pays d’une brutalité sans pareille ? La vérité, de fait, est vraiment triste. Aussi loin que porte notre regard, le sionisme est l’unique collectif laïc politique et idéologique juif en circulation, et, manque de pot, il vient de prouver, encore une fois, cette semaine, qu’il est génocidaire jusqu’au trognon.

S’agissant de génocide, la différence entre le judaïsme et le sionisme peut être illustrée comme suit : alors que le contexte judaïque biblique est totalement imprégné de référence génocidaires, généralement au nom de Dieu, dans le contexte sioniste, les juifs massacrent les Palestiniens au nom d’eux-mêmes, c’est-à-dire au nom du « peuple juif » [qui n’existe pas, voir Shlomo Sand, ndt]. Tel est bien le succès suprême de la révolution sioniste. Elle a enseigné aux juifs à croire en eux-mêmes. A croire en l’Etat juif. Le Dieu d’Israël, c’est « L’Israélien ». Par conséquent, l’Israélien tue au nom de « sa sécurité » et/ou au nom de « sa démocratie ». Les Israéliens sèment la destruction au nom de « leur guerre contre la terreur » et au nom de « leur Amérique ». Apparemment, dans l’Etat juif, le sujet hébraïque s’adonne au massacre de masse, dès l’instant où il a trouvé le sobriquet dont il va bien pouvoir l’affubler.

Cela ne nous laisse qu’extrêmement peu d’espace pour les spéculations intellectuelles. L’Etat juif est la menace suprême pour l’humanité et pour notre notion d’humanisme. Le christianisme, l’Islam et l’humanisme sont venus tenter d’amender le fondamentalisme tribal juif et d’y substituer la morale universelle. Les Lumières, le libéralisme et l’émancipation ont permis aux juifs de se racheter de leurs anciens traits tribaux et suprématistes. Mais, tragiquement, le sionisme a réussi à faire rentrer au bercail de nombreux juifs. Aujourd’hui, Israël et le sionisme représentent la seule expression collective disponible, pour les juifs.

L’impitoyable agression sioniste contre la population civile palestinienne n’a laissé aucune place au doute : Israël est bien le plus grave danger pour la paix mondiale. Clairement, les nations ont fait une erreur tragique, en 1947, en donnant à une identité volatile et racialement déterminée l’opportunité de se constituer en Etat nation. Toutefois, le devoir des nations, aujourd’hui, est de démanteler pacifiquement cet Etat, avant qu’il ne soit trop tard. Le démanteler, c’est ce que nous devons faire, avant que l’Etat juif et ses lobbies ultra-puissants, dans le monde entier, ne parviennent tous à nous entraîner dans une guerre mondiale au « nom » de telle ou telle idéologie populiste triviale (la démocratie, la guerre au terrorisme, le clash des civilisations, j’en passe et des meilleures).

Nous devons nous réveiller, avant que notre seule et unique planète ne soit transformée en un magma de haine prêt à exploser.