Êtes-vous prêt pour la prochaine crise ?

Paul Craig Roberts, 2009/10/25

 

Les indices montrant que les États-Unis sont un État en faillite s'accumulent plus vite que je ne puis les noter.

L'un des signes révélateurs de la faillite d’un État, c’est que les escrocs sont à l’intérieur du gouvernement ; ils s’en servent pour préserver et favoriser leurs intérêts privés.

Une autre caractéristique évidente, c’est l’envol de l'inégalité de revenus, car les initiés manipulent la politique économique en faveur de leur enrichissement, au détriment de tous les autres.

L'inégalité de revenus aux États-Unis est aujourd'hui la plus outrancière de tous les pays. Le rapport de l'OCDE en 2008, « Distribution des revenus et de la pauvreté dans les pays de l'OCDE, » conclut que, dans les pays de l'OCDE, les États-Unis sont celui des plus grandes inégalités et du taux de pauvreté le plus élevé et, depuis 2000, nulle part ailleurs il n’y a eu une hausse aussi extrême de la disproportion des rétributions.

L'OCDE constate que la répartition des richesses aux États-Unis est encore plus inégalitaire que la répartition des revenus.

Le 21 octobre 2009, Business Week a signalé que le nouveau rapport du Programme de développement des Nations Unies a conclu que les États-Unis se classaient au troisième rang des États ayant les pires inégalités de revenus. Comme les numéros un et deux, Hong Kong et Singapour, sont essentiellement des villes-États, et non pas des pays, les USA ont en fait le déshonneur d'être la nation la plus inégalitaire dans la répartition des revenus.

Au 21ème siècle, l'augmentation brusque de l'inégalité des revenus aux États-Unis a coïncidé avec la délocalisation de l’emploi, qui a enrichi les cadres de « primes de performance, » tout en appauvrissant la classe moyenne, et avec l'expansion rapide des produits dérivés de gré à gré non réglementée, qui on enrichi Wall Street et la finance au détriment de tous les autres.

Des millions d'Étasuniens ont perdu leur maison et la moitié de leur économies de retraite, tout en étant écrasés par la dette publique du renflouage des bangsters qui ont créé la crise des produits dérivés.

L’émission du 21 octobre de Frontline, The Warning, documente comment Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale, Robert Rubin, secrétaire au Trésor, Larry Summers, secrétaire adjoint au Trésor, et Arthur Levitt, président de la Securities and Exchange Commission, ont empêché Brooksley Born, chef de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), de s'acquitter de ses obligations légales et de réglementer les produits dérivés de gré à gré.

Après que la pire crise de l'histoire financière des Etats-Unis se soit abattue, juste au moment où Brooksley Born a dit vouloir réglementer, un Alan Greenspan couvert de honte a été tiré de sa retraite pour expliquer au Congrès son assurance catégorique envers le manque de nécessité de réglementer les produits dérivés. Greenspan a même dit au Congrès que la réglementation des produits dérivés serait préjudiciable. Un pathétique Greenspan a dû admettre que l'idéologie du marché libre sur laquelle il comptait s’est révélée avoir une faille.

Greenspan peut avoir parié notre pays sur son idéologie du marché libre, mais quelqu'un croit-il que Rubin et Summers font autre chose que de protéger la fraude établie sur les énormes profits rapportés à Wall Street par les produits dérivés ? Comme Brooksley Born l’a souligné, les produits dérivés de gré à gré sont du « marché noir. » Il n'y a pas de transparence. Les régulateurs et les acheteurs n’ont aucune information sur eux.

Même après l’explosion de Long Term Capital Management en 1998, qui a nécessité son renflouage, Greenspan, Rubin et Summers sont restés droits dans leurs bottes. Greenspan, Rubin et Summers, et Arthur Levitt, un embauché crédule qui regrette à présent d’avoir été le dupe des bangsters, ont réussi à manipuler un Congrès totalement ignorant, en empêchant la CFTC de faire le travail pour laquelle elle est mandatée. Brooksley Born, empêché de protéger le public par les représentants élus du peuple, a démissionné. L'argent de Wall Street a tout simplement poussé les événements et écarté les régulateurs honnête, en garantissant l'inaction du gouvernement et la crise financière qui a frappé en 2008, qui continue d’empoisonner notre économie aujourd'hui.

En tenant le Trésor, la Maison Blanche, et la Réserve fédérale, les initiés de la finance ont transféré aux contribuables le coût de la catastrophe qu'ils ont créée. Quand la crise a frappé, Henry Paulson, nommé par le président Bush en remplacement de Rubin comme représentant de Goldman Sachs pour diriger le Trésor, a propagé la peur pour obtenir de « nos » représentants au Congrès, sans poser de questions, des centaines de milliards de dollars du contribuable (l’argent du TARP) pour renflouer Goldman Sachs et les autres malfaiteurs des produits dérivés non réglementés.

Dernièrement, à l’annonce de Goldman Sachs de payer d’énormes bonus à six et sept chiffres à chaque employé, l'indignation du public a éclaté. En défense des bangsters, sauvé par l'argent public, se payant des primes dépassant ce que la plupart des gens gagnent dans leur vie, Lord Griffiths, vice-Président de Goldman Sachs International, a déclaré que le public doit apprendre à « tolérer l'inégalité comme un moyen pour parvenir à une plus grande prospérité pour tous. » [Le public doit apprendre à « tolérer l'inégalité » des primes, dit le vice-président de Goldman Sachs]

En d'autres termes : « Qu'ils mangent de la brioche. » [C’est une phrase de Marie-Antoinette à l’intention du peuple qui n’avait plus de pain, utilisée parfois par les Anglais, ndt.]

Selon le rapport de l'ONU cités ci-dessus, la Grande-Bretagne a la 7ème répartition la plus inégale des revenus du monde. Après les bonus de Goldman Sachs, les Britanniques passeront dans la classe supérieure, rivalisant peut-être avec Israël pour la quatrième place dans la hiérarchie.

En dépit de la démence foncière des produits dérivés non réglementés, du niveau de colère élevé du public, et de la confession de Greenspan devant le Congrès, toujours rien n'a été fait pour réglementer les produits dérivés.

Gary Gensler, l'un des secrétaires assistants au Trésor de Rubin, a remplacé Brooksley Born à la tête de la CFTC. Larry Summers est le chef du National Economic Council du Président Obama. Timothy Geithner, un ancien fonctionnaire de la Réserve fédérale protégé de Paulson, dirige le Trésor d’Obama. Adam Storch, un vice-président de Goldman Sachs, a été nommé chef d'exploitation de la Securities and Exchange Commission.

Les bangsters sont toujours les patrons.

Existe-t-il un autre pays où, en pleine vue du public, d’une manière aussi flagrante, le gouvernement, avec sa coterie d’économistes du « libre marché » sous la main pour justifier le pillage pour la raison que « le marché serait mieux au courant, » sert à enrichir des intérêts privés ?

Un narco-État est vraiment détestable, mais les Etats-Unis dépassent cette horreur avec leurs finances d’État.

Comme dit Brooksley Born, si rien n'est fait, « ça va se reproduire. »

Mais rien ne peut être fait. Les escrocs tiennent le gouvernail.

[Note de Paul Craig Roberts : Le rapport de l'OCDE montre que, pendant les années Reagan, malgré la réduction du taux d'imposition, le taux d'accroissement de l'inégalité des revenus a diminué aux États-Unis. Au cours du milieu des années 90, le coefficient de Gini (mesure de l'inégalité du revenu) a même diminué. À partir de 2000, avec la nouvelle économie (essentiellement la fraude financière et la délocalisation de l’emploi), le coefficient de Gini a brusquement grandi fortement.]

Are You Ready for the Next Crisis ?

Paul Craig Roberts, October 25, 2009

 

Evidence that the US is a failed state is piling up faster than I can record it.

One conclusive hallmark of a failed state is that the crooks are inside the government, using government to protect and to advance their private interests.

Another conclusive hallmark is rising income inequality as the insiders manipulate economic policy for their enrichment at the expense of everyone else.

Income inequality in the US is now the most extreme of all countries. The 2008 OECD report, "Income Distribution and Poverty in OECD Countries" [PDF], concludes that the US is the country with the highest inequality and poverty rate across the OECD and that since 2000 nowhere has there been such a stark rise in income inequality as in the US.

The OECD finds that in the US the distribution of wealth is even more unequal than the distribution of income.

On October 21, 2009, Business Week reported that a new report from the United Nations Development Program concluded that the US ranked third among states with the worst income inequality. As number one and number two, Hong Kong and Singapore, are both essentially city states, not countries, the US actually has the shame of being the country with the most inequality in the distribution of income.

The stark increase in US income inequality in the 21st century coincides with the offshoring of US jobs, which enriched executives with "performance bonuses" while impoverishing the middle class, and with the rapid rise of unregulated OTC derivatives, which enriched Wall Street and the financial sector at the expense of everyone else.

Millions of Americans have lost their homes and half of their retirement savings while being loaded up with government debt to bail out the banksters who created the derivative crisis.

Frontline’s October 21 broadcast, "The Warning," documents how Federal Reserve Chairman Alan Greenspan, Treasury Secretary Robert Rubin, Deputy Treasury Secretary Larry Summers, and Securities and Exchange Commission Chairman Arthur Levitt blocked Brooksley Born, head of the Commodity Futures Trading Commission, from performing her statutory duties and regulating OTC derivatives.

After the worst crisis in US financial history struck, just as Brooksley Born said it would, a disgraced Alan Greenspan was summoned out of retirement to explain to Congress his unequivocal assurances that no regulation of derivatives was necessary. Greenspan had even told Congress that regulation of derivatives would be harmful. A pathetic Greenspan had to admit that the free market ideology on which he had relied turned out to have a flaw.

Greenspan may have bet our country on his free market ideology, but does anyone believe that Rubin and Summers were doing anything other than protecting the enormous fraud-based profits that derivatives were bringing Wall Street? As Brooksley Born stressed, OTC derivatives are a "dark market". There is no transparency. Regulators have no information on them and neither do purchasers.

Even after Long Term Capital Management blew up in 1998 and had to be bailed out, Greenspan, Rubin, and Summers stuck to their guns. Greenspan, Rubin and Summers, and a roped-in gullible Arthur Levitt who now regrets that he was the banksters’ dupe, succeeded in manipulating a totally ignorant Congress into blocking the CFTC from doing its mandated job. Brooksley Born, prevented by the public’s elected representatives from protecting the public, resigned. Wall Street money simply shoved facts and honest regulators aside, guaranteeing government inaction and the financial crisis that hit in 2008 and continues to plague our economy today.

The financial insiders running the Treasury, White House, and Federal Reserve shifted to taxpayers the cost of the catastrophe that they had created. When the crisis hit, Henry Paulson, appointed by President Bush as Rubin’s replacement as the Goldman Sachs representative running the US Treasury, hyped fear to obtain from "our" representatives in Congress with no questions asked hundreds of billions of taxpayers’ dollars (TARP money) to bail out Goldman Sachs and the other malefactors of unregulated derivatives.

When Goldman Sachs recently announced that it was paying massive six- and seven-figure bonuses to every employee, public outrage erupted. In defense of banksters, saved with the public’s money, paying themselves bonuses in excess of most people’s life-time earnings, Lord Griffiths, Vice Chairman of Goldman Sachs International, said that the public must learn to "tolerate the inequality as a way to achieve greater prosperity for all."[Public must learn to 'tolerate the inequality' of bonuses, says Goldman Sachs vice-chairman]

In other words, "Let them eat cake."

According to the UN report cited above, Great Britain has the 7th most unequal income distribution in the world. After the Goldman Sachs bonuses, the British will move up in distinction, perhaps rivalling Israel for the fourth spot in the hierarchy.

Despite the total insanity of unregulated derivatives, the high level of public anger, and Greenspan’s confession to Congress, still nothing has been done to regulate derivatives.

One of Rubin’s Assistant Treasury Secretaries, Gary Gensler, has replaced Brooksley Born as head of the CFTC. Larry Summers is the head of President Obama’s National Economic Council. Former Federal Reserve official Timothy Geithner, a Paulson protege, runs the Obama Treasury. A Goldman Sachs vice president, Adam Storch, has been appointed the chief operating officer of the Securities and Exchange Commission.

The Banksters are still in charge.

Is there another country in which in full public view so few so blatantly use government for the enrichment of private interests, with a coterie of "free market" economists available to justify plunder on the grounds that "the market knows best"?

A narco-state is bad enough. The US surpasses this horror with its financo-state.

As Brooksley Born says, if nothing is done, "it’ll happen again."

But nothing can be done. The crooks have the government.

[PCR Note: The OECD report shows that despite the Reagan tax rate reduction, the rate of increase in US income inequality declined during the Reagan years. During the mid-1990s the Gini coefficient (the measure of income inequality) actually fell. Beginning in 2000 with the New Economy (essentially financial fraud and offshoring of US jobs), the Gini coefficient shot up sharply.]