Sur les concours de recrutement: sous les pavés, l'école

par Jean-Michel Muglioni, le 13 juillet 2008

 

   Il est vrai que les concours ne sont pas une garantie absolue contre toutes les injustices. Il est vrai que ce n’est pas une méthode absolument infaillible pour recruter des professeurs compétents. Il est vrai aussi qu’il y a d’autres systèmes universitaires et d’autres écoles que les nôtres, d’autres traditions, généralement respectables. Mais lorsqu’on transforme un bâtiment, on prend garde à ne pas entreprendre des travaux qui entraîneraient sa ruine. Or peut-être les concours de l’agrégation et le CAPES ont-ils, dans l’organisation des études en France, une place telle que le projet ministériel doive entraîner la ruine du système. Est-ce délibéré ? Les politiques sont-ils assez subtils pour être machiavéliques ? Comme toujours l’école est la victime d’un de ses plus purs produits.

   Les concours gardent dans l’université française une place centrale. Ils assurent le recrutement des professeurs du secondaire comme du supérieur, donnant par là une certaine unité aux deux enseignements : tel est l’esprit de nos institutions, au point qu’on appelle « professeur » aussi bien un professeur de collège qu’un universitaire de renom, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. Laisser l'agrégation en l'état et instituer un CAPES au rabais, sans exigences théoriques, met fin à cette tradition d'unité.

   La préparation que les concours exigent est centrale dans l’organisation des études universitaires. Leur caractère général force les étudiants à travailler réellement leur discipline sans s’enfermer trop tôt dans une spécialité. Par exemple un littéraire doit connaître la littérature française et ne peut se contenter de son auteur de prédilection, de telle sorte que son travail de spécialiste reposera sur une véritable culture. Du même coup les universités sont contraintes d’organiser les études de façon à permettre cette généralité sans laquelle il n’y a pas de culture. Ajoutons que les concours sont nationaux, que les programmes ne sont pas définis par telle ou telle université, ce qui assure une certaine unité de l’enseignement universitaire et entretient une émulation entre les universités et les candidats. Car les concours exigent d’abord un vrai travail.

   Mais l’objectif de la réforme n’est pas le travail. Le refus des concours comme l’agrégation et le CAPES fut un aspect de l’idéologie soixante-huitarde. Il fallait un ministre au service de Sarkozy pour tenter de réaliser ce rêve. S’il était vrai que la rue parvient à l’en empêcher, nous aurions une situation burlesque, puisque des manifestations passant pour une répétition de 1968 entraveraient un projet au fond soixante-huitard. Il n’est pas sûr qu’une telle confusion accouche de quelque chose de sensé.