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Paul Jorion a mangé du lion
Ou bien il s'est mis à boire, en tout cas il devient de plus en plus lucide. Cinq articles récents à lire sur son blog: [1], [2], [3], [4], [5]. Plus une vidéo, à voir jusqu'au bout (vraiment : vous n'aurez plus le droit de dire qu'on ne vous avait pas prévenus).
Les roms en Europe
On les appelle les gitans, les roms, les bohémiens, les romanichels, les tziganes, les manouches, die Zigeuner, the gypsies (l'euphémisme policier étant "gens du voyage"). Ils ont eux aussi été victimes d'un génocide perpétré par les nazis (une bonne "webographie" ici). Le nombre des morts est estimé entre 200 000 et 600 000 : le travail de mémoire et d'histoire à leur sujet n'a pas été fait, parce que les roms ne sont pas organisés. Les roms ont été évidemment les premières victimes de la défaite des communistes dans les pays de l'Est : quand la référence à l'internationalisme cède la place au nationalisme, le racisme peut s'épanouir, et les "gens du voyage" sont les premiers dans le collimateur. Le thermomètre du racisme en Europe aujourd'hui, ce n'est pas l'antisémitisme ni le racisme anti-arabe: c'est le racisme anti-roms.
Ce thermomètre, voici ce qu'il donne pour l'Italie de Berlusconi (notez comment Besson chez nous prend modèle) : "Le séjour des immigrés clandestins dans les centres d'identification et d'expulsion passe de deux à six mois tandis que les personnes louant un logement aux clandestins ou les hébergeant risquent jusqu'à trois ans de prison". Un "centre d'identification et d'expulsion" dans lequel on est gardé six mois pour le seul délit d'être là, ça s'appelle un camp d'internement. Voici aussi ce que la gauche italienne faisait pour les roms en novembre 2007. Et maintenant le maire de Rome est un fasciste, élu lors d'un second tour avec 63% d'abstentions.
Au kamoulox comme aux échecs, on ne peut vraiment apprendre qu'en étudiant les parties célèbres. Celle de Dieudonné est la plus connue, mais elle est un peu légère en contenu politique. Je conseille de potasser plutôt la célèbre demi-finale sur le communisme. Quant à la finale, en voici le script intégral.
Aveugles, regardez bien ceci. Evidemment, vous utilisez pour cela votre traducteur en braille, ou votre lecteur de texte automatique en audio, ou votre logiciel qui affiche avec de grandes polices de caractères. Les textes que vous lisez sont issus de fichiers numérisés que vous avez téléchargés sur Internet. Eh bien, vous allez bientôt être dans l'illégalité. Le marché étant incapable de rentabiliser ces pratiques, elles se sont développées dans chaque pays comme exceptions au droit d'auteur national. Mais la circulation d'un pays à l'autre est régie par l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), organisation de l'ONU dont le siège est à Genève.
Le comité permanent du droit d’auteur de l'OMPI vient de discuter d'une proposition présentée par le Brésil, l’Équateur et le Paraguay, appuyant un projet de traité de l'Union Mondiale des Aveugles. Qui s'y oppose ? Les USA, le Canada, l'Union Européenne, le Vatican et autres. La raison ? Le lobbying intense mené par un lobby des grands éditeurs.
Les lobbys, nous rappelle le site deDefensa, représentent l"institutionnalisation, la normalité de la corruption. "Il est un peu court et fort insuffisant de parler du lobbying comme s’il s’agissait d’un simple aspect du monde politique, sans plus, sans mettre en évidence qu’il ne s’agit de rien de moins que du fait de la corruption établi en une institution fondamentalement nécessaire à la bonne marche du système. [...] La corruption est un mal connu sinon un mal inévitable, contre lequel on peut plus ou moins lutter, qui existe toujours à l’état latent de menace, comme une pathologie qui menacerait la politique (entre autres, bien sûr). L’institutionnalisation de la chose, sous la forme du lobbying, implique un degré différent, une autre substance. Le mal est intégré dans la structure même, il fait partie de la politique, il est une partie intégrante du système. Par le fait de la chose, il finit par perdre son aspect d’imposture, la légalisation finissant par lui donner une certaine légitimité devenant légitimité certaine, enfin il devient une exigence même de la vie politique."
On en arrive à présenter comme révolutionnaire la demande de l'association Anticor de rendre les cadeaux reçus par les députés ! La normalité du lobbying est tranquillement exposée, depuis 2004, par une note de synthèse de la Fondation Robert Schuman : "L'impact du lobbying auprès des institutions communautaires est considérable", "il s'agit d'un processus essentiel pour le développement de ses politiques permettant aux nombreux acteurs d'agir à proximité des centres de décision". Au Palais-Bourbon, les lobbys vont devenir officiels en octobre.
Que vont devenir les anciens députés non réélus au parlement européen le 7 juin ? Eh, le pantouflage dans le privé, voilà l'issue. Lobbyistes et députés, ce sont les mêmes. Pour en savoir plus long sur la lobbycratie, voir le site du Corporate Europe Observatory. Il existe aussi une Association, Alter EU, qui est elle-même un lobby, une coalition de 160 groupes et organisations. Elle ne milite évidemment pas pour l'interdiction des lobbys, mais pour la transparence et la "régulation éthique" du lobbying.
La conclusion est en train de devenir évidente, comme le montre cet article de Jeremy Gilbert à propos du Royaume Uni : "This situation is characterised, quite simply, by a chronic inability of our political institutions to give the public any real influence over policy. Any analysis of the broader crisis of democratic representation has to start here". "The truth is that Members of Parliament are fairly junior members of a technocratic, managerial elite whose most exalted members were, until recently, the merchant princes of finance capital". "Democracy can only ever be, in Raymond Williams' phrase a ‘long revolution'. Otherwise it stagnates. It has been stagnating now for over a generation, and it is up to us to launch that revolution once again".
J'ajouterai simplement que, dans la crise économique et sociale durable et profonde dans laquelle nous sommes, il est impossible d'en rester dans cette situation de crise politique et de dépérissement de la démocratie: ou bien un sursaut démocratique va permettre aux peuples de reprendre le pouvoir, ou bien il y se produira une autre révolution, qui en finira une bonne fois avec l'illusion démocratique. Au moment où j'écris ces lignes, le résultat des élections du 7 juin n'est pas connu. Mais je parie votre chemise que ce résultat va confirmer ce pronostic...