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Elections européennes : anything goes !

Aux élections européennes, nous pouvons désormais voter n'importe comment. Ca n'a pas d'importance, les votes ne comptent pas, puisque l'Europe n'est pas une démocratie. "Je pensais que nous vivions en démocratie, mais c'est la post-démocratie, vraiment, qui gouverne l'Union européenne". Qui a dit ça ? Eh bien, Vaclav Klaus, le Président en exercice de l'Union Européenne, le 05/12/2008, quand il s'est fait remettre sa feuille de route par Cohn-Bendit.

"Post-démocratie", c'est une formule boîteuse, du même type que celle que les trotskystes utilisaient à propos de l'URSS stalinienne ("Etat ouvrier dégénéré", quelque chose comme ça), manière de dire que nous sommes après quelque chose, qui a été en partie irréversible : ce n'est plus le quelque chose, mais il en reste des traces. En Europe, il n'y a plus de gouvernement, mais de la gouvernance. Cette gouvernance est exercée directement par les lobbys : je ne développe pas, tout cela a déjà été expliqué ici. Voyez aussi la notion de régulation technocratique développée par Cohn-Bendit dans le cadre des Journées de l'Europe à HEC.

Le paquet énergie

Vous le savez déjà, en 2008, 97% des textes votés au Parlement européen ont été adoptés de concert par la droite et les socialistes ("tous ensemble, tous ensemble, ouais"). Fin avril 2009, une décision extrêmement importante à été prise dans les mêmes conditions: ça s'appelle le paquet énergie, et c'est très bien expliqué sur le site du Parlement européen. Le gaz et l'électricité, c'est un truc qui marche, et pour pas trop cher. Donc, on va flinguer tout ça, comme on a déjà fait pour le téléphone et le chemin de fer : dissociation intégrale des structures de propriété, avec un gestionnaire de réseau indépendant, un gestionnaire de transport indépendant, des centaines de sous-traitants surexploités et irresponsables, cinq factures à la place d'une, des entreprises qui se renvoient la balle en cas de pépin, Gaz de France qui te vend de l'électricité en concurrence avec EDF, un bazar pas possible, plus personne qui investit dans le réseau, et des prix qui vont sacrément valser. Tout le cirque de la privatisation. Avec tous ces requins pour nous racketter, il va falloir sacrément "protéger les consommateurs" (enfin, faire semblant, créer une dizaine d'échelons bureaucratiques nouveaux, comme d'hab), il va falloir aussi faire pas mal de pédagogie dans les media, au moment où les prix vont valser, pour montrer que la concurrence fait baisser les prix.

Pourquoi ils font ça, sachant que c'est exactement ce genre d'habitude de casser ce qui marche qui nous a tous foutus dans la crise ? C'est tout simple: tu n'as pas idée du paquet de fric qu'il y a à se faire, rien déjà qu'en piquant dans la caisse. Alors si maintenant on tient tout le racket, tu vois un peu. Tiens, si tu as la flemme de cliquer ici, je te reproduis ce passage du Figaro, ça se déguste : "En 2007, Cirelli était alors PDG de Gaz de France et percevait une rémunération totale de 458 239 euros. En 2008, il est devenu vice-président de GDF Suez et a vu son salaire porté à 1 297 177 euros. Concernant Gérard Mestrallet, le PDG de GDF Suez, sa rémunération totale s'élève à 3,1 millions d'euros, en hausse de 18% sur un an. Cette progression est plus conforme à la performance de la société puisqu'en 2008, le groupe a dégagé un bénéfice de 6,5 milliards d'euros, en hausse de 13%. Les deux dirigeants ont le mois dernier renoncé aux stock-options qui leur avaient été accordées au titre de l'année 2008, après les contestations des syndicats". +13% en 2008, c'était pourtant pas une grande année, même qu'on a dû lâcher nos stock-options à cause de la CGT; alors tu imagines ce qu'on va pouvoir rafler dans une année normale ?

Elections, pourquoi tu me parles de ça ? Il est voté, le paquet énergie, ça y est. Absolument aucun journal n'en a parlé, absolument rien, t'as vu comme on contrôle, n'est-ce pas? Tape "paquet énergie" dans Google, tu verras ça: rien, le néant, toutes les références concernent un autre truc, complètement bidon, tu sais le hochet pour écolos, le "paquet énergie-climats". Rien, juste un petit blog dont le sujet principal est les floralies de Nantes, qui développe une remarque de Mélenchon, ça fait pluraliste, tu vois. Ils peuvent toujours voter ce qu'ils veulent, maintenant le curseur est sur "exécution".

Le coup d'Etat du 4 février 2008

Sous la deuxième république française, la fin de la démocratie a eu lieu officiellement le 2 décembre 1851, avec le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte. Sous la cinquième république, la date officielle est le 4 février 2008, date du coup d'Etat de Versailles. Le peuple français, consulté par referendum sur un projet de constitution européenne élaboré par la gouvernance, avait repoussé ce projet par 55% des voix. La gouvernance a changé la faveur qui entourait l'emballage du projet, puis a réuni le Parlement en Congrès à Versailles, qui a décidé d'adopter le Traité de Lisbonne et de se torcher avec nos bulletins de vote. On est entré à ce moment dans la phase "Etat policier" de la cinquième république : du moins officiellement, pour tout le monde, parce que ça avait commencé avant, bien sûr, mais ça ne concernait, en gros, que les expulsables (les sans papiers et les tronches assimilables).

Au moment où ces lignes sont écrites, les policiers sont envoyés à la sortie des écoles arrêter des gosses de six ans, sur la base d'une délation. Ecoutez bien ce que dit Albert Doutre, directeur départemental de la sécurité publique, et les deux syndicats de policiers (UNSA, mouvance PS, et Alliance, mouvance FN): tout cela est parfaitement normal, 100% légitime, labellisé Etat de droit(e). Le fait que la maman s'appelle Aïsha Ouachin n'y est pour rien, ils le disent et il faut les croire : c'est un non-événement, le train-train quotidien des Etats policiers, vous y passerez demain. Déjà, les directeurs d'école vont devenir flics eux-mêmes, ça ira plus vite.

Attends, il y a encore les irlandais !

Eh oui, il y a encore un os, le dernier. Nous français, on se croyait les champions en Europe, en matière de république et d'aristocrates à la lanterne. N'empêche que le 4 février 2008, ils nous l'ont mise, et sans vaseline, comme aux 25 autres. Parce que dans 26 pays sur 27 de la CEE, le suffrage universel a été aboli concernant l'Europe (et du coup, tout le reste): la gouvernance décide toute seule, point-barre. Mais il y a le 27e.

Les irlandais, pas étonnant que ce soient les seuls anglais(es) acceptables. Comme républicains, ils se posent un peu là. La lanterne à aristos, c'est un peu trop artisanal, la méthode irlandaise, c'est la mèche courte, nombre de royalistes anglais en ont fait l'expérience. C'est le seul peuple sur les 27 qui reste encore le décideur. Ils ont voté, sur le Traité de Lisbonne. Et ils ont dit "non". Bon, alors, on fait quoi, maintenant ? Le coup du Congrès, comme pour les français, ça ne passera pas, ils sortiront leurs mèches courtes, ils en ont plein leurs caves et leurs églises. Le seul truc, c'est de les faire revoter, et de les forcer à changer d'avis.

Faire changer d'avis un seul irlandais, ce n'est déjà pas à la portée du premier venu, alors faire changer d'avis tout le peuple irlandais... La date idéale pour ce deuxième referendum, normalement, c'est le 7 juin, en même temps que les élections au parlement européen. C'est d'autant plus tentant que, dans les sondages, les irlandais disent qu'ils seraient décidés à changer d'avis. Mais ce ne sera pas le cas. Bizarre, pourquoi? J'ai trouvé deux raisons:

1/ Il faut se méfier de ces têtes de mules d'irlandais. Ils sont parfaitement capables de te dire dans le sondage "Vas-y, fais-nous ton deuxième referendum, je vais voter oui, sûr", et puis le jour du vote ils persistent, et tu peux remballer Lisbonne définitivement. Citation (ici) : "Au cours des dernières semaines, des rumeurs ont circulé selon lesquelles le gouvernement irlandais pourrait organiser le référendum en juin, parallèlement aux élections européennes, afin de tirer profit du soutien révélé par les sondages. Mais le ministre irlandais aux Affaires européennes a écarté cette idée, déclarant que tenir le référendum le même jour que les élections européennes conférerait un avantage aux eurosceptiques lors de la campagne. En parallèle, la Commission européenne prévoit d’investir 1,8 millions d’euros dans une campagne d’information du public afin d’augmenter la compréhension du traité de Lisbonne". 1,8 millions d’euros de pure propagande ("sensibiliser l’opinion publique", "campagne d’information du public afin d’augmenter la compréhension", il faut vraiment savoir écrire le faux-cul), dans un petit pays comme l'Irlande, ça ne peut pas se dépenser en un seul mois, ça serait trop visible.

2/ Et puis, il y a un truc qui coince. Lisez bien ceci, il m'a fallu pas mal de temps pour le trouver. En échange de la promesse d’organiser un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne en 2009, les dirigeants européens ont fait un certain nombre de promesses au gouvernement irlandais. Les trucs légalement contraignants, ça roule. Mais il y a un autre truc, une déclaration non contraignante pourtant, qui coince. C'est à cause du sujet de cette déclaration: les droits des travailleurs. Dégustez, je vous prie, cette magnifique prose de faux-culs: "Malgré le fait que la déclaration ne sera pas légalement contraignante, il apparaît qu’un certain nombre de pays européens sont peu disposés à à inclure un tel texte, puisqu’ils pensent qu’il pourrait causer des difficultés au niveau national, en particulier au moment où le chômage augmente et où sévit la récession économique".

Et voilà! Ces satanés irlandais se sont rendus compte qu'il y a une crise. Et que le Traité de Lisbonne, rédigé avant la crise, va en rajouter une louche, dans cette crise. Et que la réponse à cette crise, ça passe forcément par les droits des travailleurs. Quant à "un certain nombre de pays européens sont peu disposés à à inclure un tel texte", il faut savoir qui ça désigne: ceux qui se sont toujours opposés à la reconnaissance des droits des travailleurs en Europe, les anglais, bien sûr. Anglais contre irlandais, air connu, j'avais déjà choisi mon camp à 14 ans.

A suivre

Nous en sommes là. Le vote du 7 juin, il compte de toute façon pour du beurre. Anything goes, n'importe quoi marche. Quoi que vous fassiez, vous suivrez de toute façon ma consigne de vote : faites n'importe quoi. Enfin une consigne électorale qui sera suivie par 100% des électeurs !

Mais l'Europe de la post-démocratie, des Etats policiers, de la régulation technocratique de Cohn-Bendit et des lobbys, ce n'est pas encore tout à fait joué. Ca dépend bel et bien d'un vote, un vote qui va compter. Celui du dernier pays qui dispose encore de ce droit, et qui va l'exercer, peut-être pour l'ultime fois, en octobre 2009. A suivre.


Bigots de toutes les sectes, unissez-vous !

Un curieux titre, dans le Monde du 22/05, "Unesco : la honte d'un naufrage annoncé". Entre ceux qui voient des juifs partout, ceux qui voient des racistes partout et ceux qui voient des antisémites partout, les paranos et les dénonciateurs de tous bords commencent à encombrer sérieusement les écrans. Encore une fois l'accumulation des épithètes ("ces déclarations insensées, ce florilège de la haine, de la bêtise et du conspirationnisme le plus échevelé", "forfaiture si énorme, si odieuse, si incompréhensible", etc) encore une fois la rhétorique creuse de la honte, de l'appel au conformisme le plus infantile, la moraline du "hou les cornes" des cours de récré (eh les gars, c'est pas beau, de rapporter). Bref, la bigoterie, ça se sent tout de suite, les signatures ne font que confirmer.

Pour s'informer sur le (soit-disant) "fond" du débat, il y a Google, do it yourself. Voici ce que j'ai trouvé :

1/ Il s'agit bien du lobby sioniste, on est typiquement dans une démarche de lobby : nos trois compères reproduisent des textes de l'Etat d'Israël et... du centre Simon Wiesenthal, dont on croyait qu'il s'occupait à rechercher les nazis en liberté, mais qui a bien l'air de faire autre chose. Le but du papier est clairement de faire pression sur le gouvernement français, et l'enjeu est un poste important à l'UNESCO. Farouk Hosni est candidat à ce poste, avec le soutien, entre autres, des pays africains et de la France. Si le gouvernement français cesse son soutien à Hosni, cela voudra dire que le lobby sioniste est tout-puissant en France. Mais s'il ne le fait pas, cela voudra dire que la France a une politique indépendante.

2/ Hosni est Ministre de la Culture en Egypte depuis 21 ans. Sa position est celle d'un musulman modéré, ou laïc : il s'est prononcé contre le voile sur les égyptiennes. Il occupe typiquement la position de prise en tenailles entre les mâchoires des bigots des deux camps (musulman et sioniste), chacun cherchant à lui faire dire quelque chose qui le fera tomber sous les dents de l'autre. Ce que les sionistes ont contre lui, c'est qu'il refuse d'étendre à la culture la paix avec l'Etat d'Israël signée par l'Etat Egyptien : la coopération culturelle entre l'Egypte et Israël ne commencera que quand la paix sera conclue avec les palestiniens. Comme il est ministre d'un Etat qui a signé la paix avec Israël, on ne peut pas l'accuser de ne pas reconnaître le droit d'Israël à exister. Israël préférerait évidemment avoir affaire à un fondamentaliste qui refuse ce droit, pour la même raison qu'il a soutenu le Hamas contre Arafat.

Bref, l'alliance de toutes les bigoteries opposées, un grand classique depuis la Réforme et la Contre-Réforme. A la réflexion, on dirait bien qu'il n'y en a en gros qu'un seul à avoir des positions un peu sensées, dégagées du lobbyisme et des bigoteries de tout poil, sur cette histoire de la Palestine. C'est le Pape !


• Julien Coupat, détenu par les terroristes depuis le 11 novembre 2008.
• Salah Hamouri, détenu par les terroristes depuis le 13 mars 2005.
• Mumia Abu-Jamal, détenu par les terroristes depuis le 9 décembre 1981.
• Philippe Widdershoven, suicidé.